Décision - RG n°23-03.786 | Cour de cassation (2024)

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française une copie de la requête est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 22 septembre 2023. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en contestation de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française

M. [L] [C], se disant né le 18 mai 1987 à [Localité 3] (Algérie), sollicite la délivrance d'un certificat de nationalité française. Il fait valoir qu'il est de nationalité française par filiation maternelle, en vertu de l'article 18 du code civil. Il expose que sa mère, Mme [D] [N], née le 8 décembre 1959 à [Localité 3], a été jugée française par jugement rendu le 1er juin 2018 par le tribunal de grande instance de Paris.

Sa requête fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 19 mai 2017 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que son acte de naissance avait été dressé le jeudi 21 mai 1987, jour de repos hebdomadaire dans les services administratifs algériens ; que, dès lors, il ne pouvait se voir reconnaître de force probante au sens de l'article 47 du code civil (pièce n°1 du requérant).

Aux termes de ses dernières conclusions, M. [L] [C] sollicite de :
- dire et juger qu'il est de nationalité française,
- ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française,
- ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil,
- condamner le Trésor public aux dépens.

Le ministère public s'oppose à la délivrance d'un certificat de nationalité française. Il fait valoir que le requérant n'a pas joint à sa requête le formulaire prévu à l'article 1045-2 du code de procédure civile de sorte que la requête est irrecevable. Il expose en outre que la demande relative qui tend à voir constater que le requérant est français est irrecevable. Il soutient enfin que l'acte de naissance de M. [L] [C] dressé un jeudi, n'est pas probant de sorte que celui-ci ne justifie pas d'un état civil fiable et certain.

Sur la recevabilité de la requête

En vertu de l'article 1045-2, alinéa 3 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité, la requête est accompagnée d'un exemplaire du formulaire mentionné à l'article 1045-1, des pièces produites au soutien de la demande de délivrance du certificat et, le cas échéant, de la décision de refus opposée par le directeur des services de greffe judiciaires ».

En l'espèce, contrairement aux affirmations du ministère public, le formulaire prévu par les dispositions précitées est produit et a été communiqué au ministère public avec la requête, puis le 26 mars 2024.

La requête est donc recevable.

Sur les demandes du requérant

Il est rappelé que saisi d'une action en contestation de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française, le tribunal judiciaire ne peut juger que le requérant est de nationalité française, une telle demande pouvant uniquement être formée dans le cadre d'une action déclaratoire prévue à l'article 29-3 du code civil.

La demande de M. [L] [C] tendant à voir juger qu'il est de nationalité française sera donc jugée irrecevable.

Le tribunal statuera ainsi uniquement sur la demande de M. [L] [C] tendant à voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française.

Sur le fond

En application de l'article 30-1 du code civil, lorsque la nationalite française est attribuée ou acquise autrement que par déclaration, naturalisation, réintégration ou annexion de territoire, la preuve ne peut être faite qu'en établissant l'existence de toutes les conditions requises par la loi.

Aux termes de l'article 31 du même code, un certificat de nationalite française est délivré à une personne justifiant qu'elle a cette nationalité.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le requérant, sa situation est régie par les dispositions de l’article 18 du code civil, dans sa Missoumction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, aux termes duquel est Français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.

Il appartient ainsi à M. [L] [C], qui sollicite la délivrance d'un certificat de nationalite française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissem*nt doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, le requérant verse aux débats une copie, délivrée le 9 février 2023, de son acte de naissance indiquant qu'il est né le 18 mai 1987 à [Localité 3] (Alérie), de [P], âgé de 34 ans, employé APC, et de [D] [N], âgée de 27 ans, sans profession, l'acte ayant été dressé le 21 mai 1987 à 10 heures, sur déclaration de [O] [M] (pièce n°2 du requérant).

Le ministère public soutient que l'acte, dressé le jeudi 21 mai 1987, en contrarité avec les dispositions de l'article 4 du décret du 15 mai 1982 relatif aux repos légaux, n'est pas probant.

Or, il ne peut être déduit de la seule lecture du décret algérien n°82-184 du 15 mai 1982 fixant de manière générale le jeudi comme deuxième jour hebdomadaire pour les services administratifs ouverts au public qu'aucune permanence n’a pu être prévue spécifiquement dans des institutions ou administrations publiques en raison de la nature de leur activité, dès lors que, d'une part, l'article 4 dudit décret dispose que les « journées de repos hebdomadaires sont fixées compte tenu des impératifs économiques et des besoins sociaux des citoyens et des travailleurs » et, d'autre part, comme le relève à juste titre la demanderesse, l'article 6 prévoit que les établissem*nts où une interruption du travail le jour du repos hebdomadaire est soit incompatible avec la nature de l'activité, soit préjudiciable au public, sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement.

A cet égard, le requérant produit une attestation, établie le 6 février 2023 par l'officier d'état civil agissant pour le président de l'assemblée populaire communale d'[Localité 3], indiquant que l'acte de naissance du requérant a été enregistré sur les registres de ladite commune le 21 mai 1987 et précisant que “le jeudi est une demi-journée de travail”.

Ainsi, le seul fait que l'acte de naissance de M. [L] [C] ait été dressé un jeudi est insuffisant à remettre en cause sa force probante au sens de l'article 47 du code civil.

L'acte de naissance du requérant, qui n'est pas autrement critiqué par le ministère public, et qui comporte l'ensemble des mentions susbtantielles prévues par la législation algérienne, apparaît donc probant au sens des dispositions de l'article 47 du code civil.

Il est en outre justifié d'un état civil fiable et certain en ce qui concerne Mme [D] [N] et du lien de filiation du requérant à l'égard de celle-ci par la production de :
- l'acte de naissance de l'intéressée, établi sur les registres du service central d'état civil, mentionnant qu'elle est née le 8 décembre 1959 à [Localité 3] (Algérie) (pièce n°5 du requérant),

- l'acte de mariage de celle-ci avec M. [P] [C], transcrit sur les registres du service central d'état civil, indiquant que leur union a été célébrée à [Localité 3], le 4 février 1978, soit avant la naissance du requérant (pièce n°9 du requérant).

Mme [D] [N] a été jugée de nationalité française suivant jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 1er juin 2018, pour avoir conservé cette nationalité à l'indépendance de l'Algérie comme étant de statut civil de droit commun, en application de l'article 32-1 du code civil. Il est en outre justfiié du caractère définitif de ce jugement par la production du certificat de non appel délivré le 23 août 2019 (pièces n°6 du requérant).

M. [L] [C] justifie donc être de nationalité française par filiation maternelle, en vertu des dispositions de l'article de l’article 18 du code civil, dans sa Missoumction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, précité.

En conséquence, il y a lieu d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française à M. [L] [C].

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Le requérant sollicite du tribunal d’ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil.

Il est rappelé qu'il n'appartient pas au tribunal judiciaire saisi d'un recours fondé sur les articles 31-3 du code civil et 1045-2 du code de procédure civile d'ordonner l'apposition de la mention prévue à l'article 28 du code civil, étant relevé que l'apposition de la mention sera demandée par le service de la nationalite du tribunal judiciaire, une fois le certificat délivré.

Dès lors, cette demande sera jugée irrecevable.

Sur les dépens

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.

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Author: Chrissy Homenick

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